Méthodes musclées au nom des ONG
DÉMARCHAGE | 23h57 De nombreuses ONG suisses font appel à une société privée pour leurs récoltes de dons. La technique porte ses fruits, mais certains critiquent des pratiques agressives.
FLORIAN CELLA | AGRESSIF: Amnesty International, comme Greenpeace et le WWF, notamment, fait appel à la société Corris pour ses récoltes de dons. Basée à Lausanne, celle-ci engage principalement des étudiants. Ses méthodes de démarchage et les conditions de travail qu'elle impose à ses employés font grincer des dents certaines organisations non-gouvernementales.LAUSANNE, LE 30 NOVEMBRE 2007
JULIEN PIDOUX | 14 Février 2008 | 23h57
Greenpeace, Amnesty international, WWF... De nombreuses organisations non-gouvernementales (ONG) suisses font appel à une société privée pour leurs récoltes de fonds et leurs recherches de membres. Corris, dont le siège romand est installé à Lausanne, emploie principalement des étudiants, pour des contrats de courte durée.
Petit souci: ces démarchages sont jugés par certains comme agressifs. Terre des hommes Lausanne notamment, par la voix de son porte-parole Pierre Zwahlen, parle de «mercenaires de la récolte de fonds», aux méthodes «gênantes». Car s'ils arborent des vestes aux couleurs de telle ou telle ONG, les jeunes qui accostent le passant dans la rue ne sont pas des bénévoles mais bien des employés d'une entreprise à but lucratif. Une confusion des genres qui, à terme, nuirait aux ONG dans leur ensemble, selon Pierre Zwahlen.
«Fais sortir le requin qui est en toi!»
Benjamin* a fait partie de ces démarcheurs, en fin d'année dernière. «On nous apprenait par exemple à minimiser la somme que l'on demandait aux passants, en leur disant quelque chose du genre «ça ne représente que 1 franc par jour», se rappelle-t-il. Un jour où je n'avais pas récolté assez de dons, mon chef de groupe m'a dit «Fais sortir le requin qui est en toi!» Marc* aussi, qui a travaillé durant plus de deux mois chez Corris, ne veut «plus jamais ça». «On ne parle que de «rendement», de «score à atteindre». Sur la fin, ça n'allait plus du tout, et j'expliquais aux passants comment tout cela fonctionnait», avoue-t-il.
Autre aspect qui fait grincer des dents: les conditions de travail. Première surprise pour celui qui veut intégrer Corris: le dialogueur doit vivre dans un appartement de l'entreprise, en communauté avec des collègues, durant toute la semaine dès le dimanche soir. Le contrat en fait mention pour les gens qui vivent loin du lieu de travail, mais Benjamin, qui habite à Lausanne, s'était vu «invité» à rejoindre le logement commun, dans la même ville, s'il comptait être engagé.
Heures sups non payées
Et les heures supplémentaires, régulières, ne sont pas payées. Une disposition qui est légale si elle est stipulée dans le contrat. C'est le cas ici, malgré la précision que «des heures supplémentaires ne sont de manière générale pas demandées».
Ces méthodes musclées sont-elles solubles dans les valeurs des associations à but humanitaire? Certaines ONG, comme Caritas, s'en accommodent. «Nous avons connaissance des conditions de travail et nous sommes d'accord avec, car ce ne sont pas de vrais jobs mais plutôt des boulots d'étudiants», relève Grégoire Praz, porte-parole.
Greenpeace a aussi choisi de professionnaliser son fundraising, en Suisse notamment. «A titre personnel, j'ai d'abord été curieux de ces méthodes, ce côté scout, mercenaire entraîné», avoue Ivan Ruet. Puis la technique a montré son efficacité. Chez Swissaid non plus, on ne doute plus. Grâce à Corris, plus de 16 000 donateurs ont été trouvés depuis 2001. «Il faut réaliser que toute ONG, pour qu'elle soit profitable, est obligée de faire appel à des sociétés privées, ne serait-ce que pour imprimer une brochure», relativise Werner Küng, responsable pour l'information et la recherche de fonds chez Swissaid.
*Prénoms fictifs
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