Soins dentaires: enfin des prix abordables?
Salvatore di Nolfi
Selon l'Office fédéral de la statistique, plus de 3 milliards de francs suisses sont dépensés chaque année en soins dentaires
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Les soins dentaires en Suisse affichent des tarifs parmi les plus chers d'Europe. De plus, ils ne sont généralement pas remboursés. Des ingrédients idéaux pour que prenne la sauce des nouvelles sociétés qui proposent de baisser les tarifs. Prothèses fabriquées à l'étranger, tourisme dentaire: ces solutions sont-elles fiables? Tour d'horizon comparatif. Les médecins dentistes traditionnels sont sceptiques
Elise Jacqueson - 09/06/2007
Le Matin Dimanche
Les soins dentaires en Suisse représentent un marché des plus juteux. Chaque année, plus de 3 milliards de francs sont dépensés dans ce domaine. Un montant qui pourrait d'ailleurs encore augmenter sachant qu'aujourd'hui, de nombreuses personnes hésitent à consulter le dentiste ou bien se résignent à un traitement moins coûteux faute de moyens suffisants. Car les soins dentaires en Suisse figurent parmi les plus élevés en Europe. La brèche était donc ouverte pour que s'infiltrent sur le marché des sociétés d'un genre nouveau qui promettent une solution moins onéreuse.
Cliniques, tourisme dentaire: les alternatives ne manquent pas mais que valent-elles réellement? Tour d'horizon comparatif de ces entreprises qui se targuent de vouloir faire évoluer le système actuel en lui faisant profiter des bienfaits de la mondialisation.
Les cliniques, tout d'abord. Depuis les années 1990, elles ont fleuri en Suisse. «Toutefois, les cabinets de médecins dentistes traditionnels n'ont pas désempli pour autant», assure Olivier Marmy, président de la Société vaudoise des médecins dentistes (SVMD). En revanche, celles qui arrivent depuis quelques années se posent comme des concurrentes beaucoup plus agressives et prêtes à changer l'organisation actuelle en matière de soins dentaires. Elles offrent un large panel de prestations, 7 jours sur 7, un service d'urgence 24 h/24 h, avec comme objectif prioritaire, contrairement aux cliniques plus anciennes, de prodiguer des soins à des prix tirant vers le bas.
Un réseau en Suisse romande
La holding Sdent, née il y a un peu plus d'un an et demi à Sion, regroupe à ce jour trois établissements à Sierre, Sion et Martigny. Elle ouvrira prochainement deux cliniques à Montreux et à Versoix et vise en tout la création de 60 cliniques en Suisse romande. «Notre objectif est clairement d'améliorer la transparence et la simplification de la tarification d'ici la fin de l'année. Nous sommes en train de tester un système de forfait dans notre établissement de Martigny pour offrir aux patients une meilleure visibilité de nos tarifs», annonce Narcis Paul Rosu, président de Sdent.
Factures à la baisse
En Suisse, le système de tarifs est complexe: un acte pratiqué par le médecin dentiste correspond à un nombre de points. Pour établir sa facture, chaque dentiste multiplie ensuite ce chiffre par le prix du point qu'il peut faire osciller entre 0 (peu probable...) et 5.40 fr..
La moyenne nationale du prix du point est actuellement à 3.55 fr. suisses. Les nouvelles cliniques comme Sdent pratiquent généralement un tarif à 3 fr. 10. Elles consentent même un point à 2 fr. 80 pour les catégories de personnes aux moyens modestes (étudiants, apprentis et personnes âgées).
A court terme, Sdent vise même l'abaissement de ses tarifs. Elle compte à la fois sur la mise en réseau de ses cliniques afin d'économiser sur les frais administratifs ainsi que sur la diversification de ses activités. La holding compte en effet plusieurs filiales, complémentaires de son activité de base. Par exemple, Easymed qui s'occupe de la fourniture et de l'installation d'équipements dentaires et médicaux.
«Les marges que nous dégagerons serviront en partie à alléger la facture de nos patients», précise le président de Sdent. Selon lui, l'avenir des soins dentaires s'inscrit dans le développement de cliniques. Soins dentaires low-cost? «Absolument pas. Car qui dit low-cost dit une baisse de la qualité du service, ce qui n'est pas du tout le cas», se défend Narcis Paul Rosu.
Prothèses fabriquées en Asie
En Valais, à Monthey, le docteur Michel Sergent a ouvert il y a deux ans la Clinique dentaire du Chablais (CDC), dans la zone commerciale de Collombey. Dans des locaux spacieux et modernes, une dizaine de dentistes indépendants assurent un service 7 jours sur 7. «En deux ans, dix mille patients sont passés ici», témoigne Michel Sergent. Il attribue ce succès au côté «pratique» de la clinique. Les prix pratiqués à la CDC sont ceux d'un établissement normal avec un point à 3 fr. 10 «Descendre en dessous n'est pas souhaitable car malsain pour la qualité des soins.»
Néanmoins, le docteur Sergent a trouvé une autre solution pour diminuer la facture. Trop souvent confronté à des clients pour qui certains traitements se seraient avérés trop chers, il a eu l'idée de gagner sur les frais des laboratoires en faisant fabriquer une partie des prothèses en Asie.
Selon lui, il s'agit là d'une «révolution» car aujourd'hui, les prothèses sont produites dans des laboratoires helvétiques. Sa société EasyLab a vu le jour ce printemps. En plus d'une gamme de prothèses «Suisse», elle propose une gamme «Asie». Réduction drastique garantie avec 70% de gain sur le prix de la prothèse, soit 40% sur la facture totale qui comprend les honoraires du dentiste et ceux du laboratoire.
Un exemple pour illustrer la manoeuvre: pour une prothèse complète en résine fabriquée via EasyLab, comptez 239 fr. pour la gamme Asie et 599 fr. pour la gamme suisse. Ajoutez ensuite 1200 fr. d'honoraires pour le dentiste et vous obtiendrez le montant total de la facture. «Jusqu'à maintenant les patients n'avaient pas le choix. A présent, ils pourront proposer à leur dentiste de faire faire leur prothèse en Asie via EasyLab.»
Mais peut-on réellement se fier à la qualité d'une prothèse asiatique? «Oui, car les prothèses sont produites avec du matériel conforme aux normes européennes. Elles sont montées en Chine dans des laboratoires que j'ai personnellement sélectionnés. Ensuite, les prothèses sont vérifiées et retouchées ici.»
Tourisme dentaire à Barcelone
L'autre solution aujourd'hui pour contourner le problème financier: le tourisme dentaire. A Lausanne, Grégory Mompel propose un «package» via le site Internet Euro-Apartment: billet d'avion, hébergement et frais de clinique en Espagne, à Barcelone. Il lui arrive encore de proposer la Hongrie où les prix défient toute concurrence mais préfère désormais orienter ses clients sur l'Espagne. «Je mise sur la qualité. C'est un peu plus cher mais beaucoup moins qu'en France ou en Suisse.»
A Courrendlin (JU), Bernard Falaschi, cadre d'entreprise de 39 ans, se dit ravi de ses 18 couronnes implantées lors d'un séjour de quinze jours à Barcelone en janvier de cette année dans la clinique Esthetic Dental. Coût total de l'opération: 10 000 fr. suisses soit 4 fois moins cher que les devis proposés en Suisse. «J'ai mis des mois à me décider. J'appréhendais un peu mais j'ai trouvé le service très professionnel».
En France, les prix restent inférieurs à la Suisse lorsqu'il s'agit d'un simple contrôle annuel ou d'un détartrage. En revanche, la facture s'annonce plus salée lors de soins plus lourds. Frédéric Moreau, frontalier de 40 ans habitant à 30 km de Monthey, n'a pas hésité une seconde. Il est en train de se faire poser deux prothèses complètes à la Clinique dentaire du Chablais. «Cela va me coûter 3600 fr. alors qu'en France, cela aurait été le prix d'un seul appareil!»
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