Paola Ghillani: «Migros est une société modèle»
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Paola Ghillani a reçu le journaliste du «Matin» à la Fromagerie d'alpage de Moléson.
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La Fribourgeoise a dirigé Max Havelaar. Elle vient d'intégrer le conseil d'administration du géant orange. Vendez-vous votre âme à la grande distribution en rejoignant Migros? La grande prêtresse du commerce équitable entre dans les sphères dirigeantes de Migros. Trahison? Paola Ghillani assure que non
Patrick Vallélian - le 30 juillet 2008, 22h15
Le Matin
Le magazine alémanique Schweizer Illustrierte vous classe parmi les 100 Suisses de l'année. Vous êtes entrée au début du mois dans le conseil d'administration de Migros, l'entreprise préférée des Helvètes. C'est la consécration, ma parole...
Ce qui compte pour moi, c'est la valeur ajoutée que j'apporte dans les entreprises. Pas tant les nominations, même si elles caressent pour un instant l'ego.
Revenons à Migros. Pourquoi avez-vous accepté d'entrer dans la sphère dirigeante de ce géant de la grande distribution, vous la grande prêtresse du commerce équitable?
Kurt Pfister, président de l'assemblée des délégués, m'a demandé d'être candidate. J'ai trouvé le défi intéressant.
Mais n'avez-vous pas l'impression de vendre votre âme au grand capital?
Certes Migros est devenue une grosse machine qui emploie plus de 84 000 personnes. Mais c'est aussi une entreprise démocratique, elle est un peu le reflet du fédéralisme de notre pays. Ses patrons sont élus par l'assemblée des délégués de la coopérative. Moi aussi j'ai été élue par ce parlement. Pour moi, Migros est une société modèle qui devrait être copiée loin à la ronde.
Vous dites cela parce que votre siège au géant orange vous rapporte 70 000 francs par année!
On pourrait le penser (rires). Mais, vous savez, l'argent n'a jamais été ma motivation première. Quand j'ai quitté le monde des multinationales pour reprendre la direction de Max Havelaar, j'ai divisé mon salaire par 2,5. Mais c'est vrai que je ne veux pas travailler bénévolement non plus.
Et que répondez-vous à ceux qui vous accusent d'avoir trahi la cause du commerce équitable?
Que Migros se comporte de manière respectueuse avec ses fournisseurs et qu'elle a intégré les dimensions environnementales et sociales dans ses processus. En cela elle respecte les principes du commerce équitable et elle fait du commerce équitable. La petite graine que nous avons plantée quand je travaillais chez Max Havelaar a porté ses fruits. Mon grand rêve, c'était que le commerce équitable devienne une évidence. C'est le cas désormais. Reste que tout n'est pas parfait.
Même chez Migros?
Même chez Migros. Cela dit, la coopérative ne m'a pas attendue pour progresser dans le domaine environnemental. Elle a été le premier distributeur à introduire au début de l'année la déclaration de CO2 Climatop pour une partie de ses produits. Le client peut ainsi les acheter en toute connaissance de cause.
Ça vaut aussi pour les fraises espagnoles vendues en février et récoltées dans des conditions effroyables par des employés sous-payés et sans papiers? Qu'en pense la patronne de Paola Ghillani & Friends, une société de conseil dans le développement durable?
(Gênée.) A ma connaissance, les conditions des travailleurs suivent un code de conduite très strict se basant sur la Convention de l'Organisation internationale du travail, et tous les fournisseurs de Migros se sont engagés à s'y tenir. Comme je le disais, tout n'est pas parfait. Quant à la saisonnalité des produits frais, elle fera partie des points que j'aborderai au sein du conseil d'administration.
Qu'est-ce qui vous fait sauter en l'air en entrant dans une Migros?
Honnêtement, vendre des pommes de Nouvelle-Zélande en pleine saison des pommes suisses n'est pas idéal. Mais il faut croire qu'il y a une clientèle pour ce type de produits.
Le plus simple serait peut-être de ne pas les commercialiser!
Je me pencherai sur la question dès que possible. Mais ne comptez pas non plus sur moi pour tout révolutionner. Migros doit aussi penser à son équilibre économique si elle veut rester leader par rapport à ses concurrents et poursuivre son chemin durablement. Ceal dit, elle n'est pas obligée de maximiser ses profits à tout prix.
Que dire également d'Aproz, la marque d'eau minérale de Migros, qui vend ses bouteilles à 6000 km du Valais, aux Etats-Unis? Pas très écolo?
On vend bien du gruyère aux Etats-Unis. Pourquoi pas de l'eau si son cycle de vie est respecté? Je suis plus choquée en apprenant que 40% de l'eau minérale consommée en Suisse est importée. Un comble alors que notre pays bénéficie d'une eau de très bonne qualité.
Des voix réclament l'entrée en Bourse de Migros. Votre avis?
Dans le monde capitalistique virtuel d'aujourd'hui, ce serait un faux pas. Migros est très concurrentielle dans sa structure actuelle, peut-être plus lente, mais qui au moins est soutenue par la société civile. Elle n'a pas besoin d'entrer dans le grand casino qu'est devenue la Bourse pour se développer.
Et quel sera son développement?
Il se fera en partie à l'étranger, avec l'expansion du modèle coopératif Migros ainsi que des industries et autres activités de la société. Mais ces considérations n'engagent que moi.
SON PARCOURS
Née en 1963, Paola Ghillani passe une partie de sa jeunesse en Gruyère. Cette pharmacienne de formation travaille durant dix ans pour Ciba/Novartis avant de reprendre les rênes de Max Havelaar Suisse en 1999. Elle multiplie les ventes par cinq jusqu'à son licenciement pour des raisons philosophiques en 2005. Le 1er septembre 2005, elle crée Paola Ghillani & Friends, une société de conseil en stratégie et gestion d'entreprise dans le développement durable.
www.paolaghillanifriends.com
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