L'ÉVÉNEMENT Swisscom et les Services Industriels vont investir des millions pour créer un réseau de fibres à très haut débit. La fibre optique entrera dans les logements des Genevois, permettant de mêler TV, Internet et téléphone. Pour éviter de creuser les rues dans tous les sens, Pierre Maudet pousse les opérateurs à s’entendre.
FRÉDÉRIC JULLIARD ET JEAN-CHARLES CANET 24.10.2009 00:03
L’avenir d’Internet et de la télévision à Genève se prépare en ce moment derrière des portes closes, au cours de discrètes négociations entre opérateurs et pouvoirs publics. Les tractations visent à préparer l’installation de la fibre optique dans les immeubles genevois. La fibre, un minuscule fil de silice conducteur de lumière, permettra d’accéder à des dizaines de chaînes de TV en haute définition, à la vidéo à la demande et à l’Internet à très haut débit (lire ci-contre).
Les négociations ont un second objectif, très concret pour les Genevois: éviter que les opérateurs ne creusent des trous partout en installant plusieurs réseaux concurrents.
C’est là qu’intervient Pierre Maudet. Le conseiller administratif de la Ville, en charge des nouvelles technologies, s’efforce d’obtenir un accord entre opérateurs. Le 15 octobre, lors d’une table ronde à Genève, l’élu radical a réuni les cinq acteurs concernés: l’Etat, les Services Industriels (SIG), qui vont investir 185 millions pour amener la fibre optique jusque dans les logements, Swisscom, qui construit un réseau de fibre dans toute la Suisse, Télégenève-Naxoo et Cablecom, qui exploitent en commun le câble du téléréseau, installé chez 85% des habitants de la ville. La table ronde a permis de clarifier les enjeux. Pour résumer, il existe un réseau déjà opérationnel (le câble), exploité par Télégenève. Un autre réseau (la fibre optique) sera construit puis commercialisé, en principe par SIG et Swisscom.
Des chantiers partout?
Reste le plus délicat: s’assurer que Swisscom et les SIG construiront un réseau en commun. Pierre Maudet leur a donné jusqu’à la fin de l’année pour trouver un compromis. «Un accord serait doublement intéressant pour le citoyen, explique le magistrat radical. Le prix des futures offres sera plus bas si les investissements ne se font pas à double. Et on évitera de multiplier les chantiers.»
Faute d’accord d’ici au 31 décembre, «l’Etat et la Ville durciront le ton», avertit Pierre Maudet. En clair, les opérateurs obtiendront moins facilement des autorisations de construire…
A terme, Genève souhaite voir la fibre installée dans tout le canton, pas seulement dans les quartiers denses, donc rentables, du centre-ville. «Le haut débit généralisé représenterait un atout économique très intéressant pour Genève», assure Pierre Maudet.
Pour amener la fibre dans les logements, l’accord des propriétaires d’immeubles et des régies sera indispensable. Les premièers offres basées sur la fibre ne seront pas prêtes avant 2010. Avec son réseau câblé déjà opérationnel, Naxoo a donc une belle longueur d’avance: son partenaire Cablecom pourrait proposer des offres à très haut débit dans les mois à venir.
La concurrence entre câble et fibre permettra en principe d’améliorer les offres triple play (Internet, télévision et téléphone en un seul abonnement), souvent chères et compliquées.
La révolution de la fibre optique obligera aussi les pouvoirs publics à repenser leur rôle. La Ville, par exemple, est juge et partie: propriétaire de Télégenève (à 51%, contre 49% à Cablecom), elle est aussi actionnaire des SIG (30%). Pierre Maudet plaide pour «une réflexion sur l’évolution de Télégenève vers deux activités distinctes: l’une gérant le réseau physique, l’autre le contenu. La vocation de la Ville n’est pas de vendre des programmes télévisés.» La balle est dans le camp des opérateurs. Pierre Maudet se dit «optimiste» sur la signature d’un accord. Le petit fil de verre pourra alors commencer son expansion, jusque chez vous.
--------------------------------------------------------------------------------
«Il faut trouver un accord. Toute autre option serait irresponsable»
Swisscom a commencé le déploiement de la fibre optique à Genève, jusqu’à présent en solitaire. Son patron, Carsten Schloter, s’en explique.
Vous avez conclu en septembre dernier un partenariat avec la Ville de Lausanne pour l’équipement des foyers en fibre optique. Qu’en est-il à Genève?
Sur Genève, nous avons commencé à travailler déjà l’année dernière. Nous sommes entrés en relation avec un certain nombre de propriétaires d’immeubles et la fibre est en cours de déploiement. Mais nous cherchons en parallèle un accord avec les Services Industriels de Genève (SIG). Il faut savoir que tous les déploiements que nous faisons aujourd’hui sont multifibres (ndlr: 4 fibres par ménage), ce qui fait que si nous trouvons un accord avec les SIG, nous pourrons intégrer l’ensemble de cette réalisation dans le partenariat. Si nous avions décidé de construire en monofibre, cela n’aurait pas été possible. Donc, notre façon de procéder laisse toutes les possibilités ouvertes pour les prochains mois.
Les SIG construisent aussi de leur côté un réseau à base de fibre optique…
Ils ont annoncé leur intention.
Et ils penchent pour un équipement des foyers en monofibre.
Il y a encore aujourd’hui quelques Services Industriels qui déploient de la monofibre. Le fait est que là où ça se passe, les propriétaires d’immeubles font assez rapidement obstacle dès qu’ils s’aperçoivent du principal désavantage de ce canal unique: se retrouver exclusivement lié avec un opérateur d’infrastructures pour les trente prochaines années.
Zurich, par exemple, avait une position très ferme sur la monofibre. Swisscom n’a pas forcé Zurich à changer d’avis, ce sont les propriétaires d’immeubles qui ont infléchi la position de la Ville. De plus, les régulateurs suisses et européens ont indiqué une claire préférence pour les modèles multifibres. Je reste donc persuadé que la monofibre n’a pas beaucoup d’avenir.
Dans l’hypothèse où les négociations entre Swisscom et les SIG aboutissent, y aura-t-il des obstacles techniques pour la mise en commun des infrastructures?
Aucun avec celle que nous construisons.
Où en est-on dans les négociations?
Du point de vue économique et entrepreneurial, il n’y a que des avantages à trouver un terrain d’entente. Parce que 80% des coûts de déploiement de la fibre sont des frais de construction.
Faire bande à part aboutit à une multiplication de ces coûts qui seront au final supportés par l’utilisateur final. Cela ne présente donc aucun intérêt. Il faut donc absolument trouver un accord. Toute autre option serait irresponsable.
Est-ce que les échanges et les discussions sont plus difficiles à Genève qu’ailleurs?
Je ne dirais pas que toute négociation est plus difficile à Genève. Certainement pas. Pour l’instant, c’est à Zurich que nous avons rencontré le plus de difficultés puis à Saint-Gall. Mais là, nous sommes parvenus à trouver une solution. (JChC)
--------------------------------------------------------------------------------
Optique 2010
La fibre, une tuyauterie dans le vent pour l’Internet à très haut débit.
❚ Chez les poseurs de tuyauterie numérique, la fibre optique a le vent en poupe. Au lieu d’être transmise sous la forme d’un signal électrique, comme c’est le cas pour les câbles en cuivre, l’information prend la forme d’un signal lumineux. Ses ambassadeurs lui accordent une vertu première: la silice, à la base de la fabrication du verre, n’est pas une denrée rare, contrairement au cuivre.
Autre avantage avancé: le signal lumineux couvre une plus grande distance que l’électrique. Son défaut: une plus grande fragilité. La fibre doit donc être soigneusement protégée avant son enfouissement. En termes de performances, les premières offres «optiques» promettent des débits minimums de 100 Mégabits par seconde. Bien plus par la suite. Les câblo-opérateurs «cuivre» affirment être à même de suivre le rythme via une modernisation de leur réseau. Cablecom s’y emploie notamment. (JChC)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire