Le Temps - temps fort
Téléphonie: l'heure de la grande colère
Appareils défectueux, service après-vente déficient? Les fabricants et opérateurs suscitent l´ire du consommateur.
• Portables défectueux, modes d'emploi inexistants, vendeurs incompétents... Les utilisateurs de mobiles sont souvent traités comme des moins que rien.
Anouch Seydtaghia
Lundi 24 septembre 2007
Caroline est dégoûtée. Fin février, elle prolonge son abonnement chez Sunrise et rempile pour 24 mois. Mi-avril déjà, son Nokia 6111 flambant neuf est inutilisable: il s'éteint tout seul plusieurs fois par heure. «Au magasin Sunrise de Lausanne, le vendeur ne m'a pas prêté d'appareil en remplacement du mien, car il n'en avait aucun de libre, explique Caroline. Il m'a promis que la réparation durerait 10 jours - cela a pris trois semaines et demie.» En août, rebelote. En pire. Parfois, le téléphone demande le code PIN lorsque Caroline est en pleine conversation. Et elle reçoit avec plusieurs jours de retard les SMS lui indiquant un nouveau message sur son répondeur... Retour au magasin. «Après une heure d'attente, le vendeur m'annonce que son système informatique est planté. Je repasse le lendemain. Mon téléphone repart en réparation, mais toujours impossible d'avoir un appareil en prêt. C'est lamentable.»
Des Caroline, il y en a des dizaines de milliers en Suisse. Il suffit de tendre l'oreille autour de soi pour saisir des témoignages édifiants sur la façon dont les opérateurs et les fabricants de portables traitent leurs clients. Des clients toujours considérés comme de paisibles vaches à lait, eux qui versent sans broncher chaque année en moyenne chacun 780 francs à Sunrise, Swisscom ou Orange.
Inutile de rêver: ce n'est pas parce que l'on dépense beaucoup que l'on est mieux traité. Prenons le cas de Laurent. En janvier, il s'offre un «Mobile Assistant XPA v1605» - un téléphone capable d'envoyer des e-mails et d'accéder à Internet - pour 699 francs, avec un contrat de deux ans. «Au magasin Swisscom, j'ai ouvert la boîte et constaté qu'il n'y avait qu'un extrait de mode d'emploi de 10 pages, sous forme de petit carnet de 10x10 cm. Le vendeur m'a dit que je devais me débrouiller avec le fichier PDF présent sur le CD fourni, et l'imprimer moi-même. C'est ridicule: cela aurait coûté 5 francs au fabricant d'imprimer les 216 pages!»
Les opérateurs plaident non coupables. Pas d'appareil prêté chez Sunrise? «Dans les conditions générales, nous précisons que nous ne prêtons pas forcément un appareil, même si c'est presque toujours le cas, affirme Gottardo Pestalozzi, porte-parole. Si le magasin ne peut en prêter un, il commande très rapidement un appareil pour le client.» Swisscom et Orange promettent un appareil de remplacement. Pas de mode d'emploi? «Il arrive que ce soit le cas pour les appareils «business», reconnaît Carsten Roetz, porte-parole de Swisscom. C'est le fabricant, et pas nous, qui en est responsable.»
Le comble, c'est que les clients s'adaptent au fonctionnement lamentable de leur téléphone. Bertrand sort de sa poche son Sony Ericsson 750i. A l'écran, la moitié des icônes est invisible, et le curseur a disparu. «C'est mauvais signe, il ne sonnera sans doute bientôt plus. Toutes les 12 heures, je dois donc l'éteindre, retirer la batterie, et le rallumer, pour qu'il tienne une demi-journée de plus...». Comme Caroline, Bertrand a eu de très mauvaises surprises avec son répondeur. «Plusieurs fois, j'ai reçu un SMS m'alertant d'un message vocal deux jours après son enregistrement. Pire encore, le SMS était daté du lendemain!» Personne ne s'explique ce bug majeur.
Les téléphones deviennent-ils plus fragiles? «Non, le taux de réclamations et de réparations dues à des causes externes, comme l'humidité et les chocs est minime et se calcule en pour-mille du volume vendu», affirme Elisabeth Mayrhofer, porte-parole de Sony Ericsson. «Comme les téléphones ont de plus en plus de fonctions - caméra, lecteur de musique, GPS -, on les emporte partout, à la plage, sur les pistes de ski et dans les bars, relève Marie-Claude Debons, porte-parole de Orange. Ils subissent donc des contraintes de plus en plus importantes. Et l'on oublie qu'il s'agit d'un appareil électronique sensible.»
Chez Nokia, le discours est sensiblement le même. «Les téléphones sont devenus complexes, et il faut les utiliser correctement et avec soin, explique Barbara Furchtegott, porte-parole. Par exemple, vous ne devriez pas laisser votre portable en hiver dans votre voiture à cause de l'humidité. Mais en même temps, les composants sont actuellement de meilleure qualité.»
C'est donc surtout la faute des utilisateurs. Vraiment? Sébastien en doute. «Le téléphone de mon amie ne fonctionnait plus. Au magasin Orange, le vendeur lui a dit qu'une réparation sous garantie était exclue, car il avait été en contact avec de l'eau. Or nous savions que ce n'était pas vrai.» Pire encore, Orange refuse de rendre le téléphone. «Il fallait payer 50 francs pour le récupérer en l'état, sous prétexte de frais de devis, poursuit Sébastien. Cela s'assimile à du racket... Mon amie n'a pas eu trop le choix: elle a renouvelé son abonnement et a reçu ainsi un nouveau téléphone à prix réduit.» Le téléphone est extraordinairement sensible à l'eau, et même à l'humidité. Ainsi, il ne faut jamais l'emporter dans sa salle de bains pendant que l'on se douche. Il suffit que les réparateurs constatent qu'une pièce de l'appareil a été oxydée pour que la protection de la garantie s'annule.
Mais même lorsque la garantie joue, le consommateur a la sérieuse impression de se faire avoir. Le Nokia 6230i de Frédéric n'aura tenu que six mois avant de rendre l'âme, son écran demeurant noir. «Le vendeur du magasin Swisscom n'a pas du tout eu l'air surpris. Il m'a dit que cela arrivait, et il me l'a immédiatement remplacé», raconte Frédéric, qui se sent manipulé. «Je trouve extrêmement dérangeant d'être prisonnier de ce système qui nous force à changer d'appareil tous les deux ans, voire plus souvent encore. C'est détestable!»
Téléphones à la fiabilité toute relative, opérateurs et fabricants déclinant toute responsabilité, le tableau est sombre. D'autant plus que le réseau n'est pas toujours à la hauteur. Ainsi, les déconnexions sont toujours fréquentes entre Lausanne et Genève. Pourquoi? «Dans la majorité des cas, il ne s'agit pas d'un problème de couverture, mais d'un problème de capacité pendant les heures de pointe, nuance Carsten Roetz, porte-parole de Swisscom. Si beaucoup de personnes veulent téléphoner dans le train en même temps, il arrive que la capacité de réseau ne suffise pas.»
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