LES DOUANIERS SE TRANSFORMENT PEU À PEU EN «POLICIER FÉDÉRAUX»
SCHENGEN • Mais que faisaient ces douaniers dans l'Intercity Fribourg-Berne? Le 19 mars dernier, un journaliste de «La Liberté» se fait contrôler alors que le train vient de quitter Fribourg. En l'absence de convention signée avec le canton, cette intervention est illégale. Mais s'agit-il vraiment d'un contrôle de routine? «Je pense que la douane est en train de se transformer en police fédérale, pourtant refusée par le peuple suisse», réagit le conseiller d'Etat fribourgeois Erwin Jutzet. Pour le Corps des gardes-frontières, «si on signe la convention, on ne fait pas que des contrôles douaniers, mais aussi de police».
SID AHMED HAMMOUCHE
(photo Keystone)
Dans «Le Temps» du 11 mai, Michaela Rickenbacher, cheffe d'état-major au commandement du corps des gardes-frontières, affirme qu'aucun contrôle douanier n'a jamais été effectué dans le canton de Fribourg. Faux. La douane suisse prend ses aises avec la vérité et la géographie. «La Liberté» a vécu le 19 mars dernier un contrôle sur territoire fribourgeois. Il a eu lieu dans l'Intercity à 23 h 09, soit cinq minutes après le départ du train de la gare de Fribourg. Récit.Je suis seul dans le compartiment. A peine le train a-t-il démarré, voilà des agents en tenue bleue qui s'approchent de moi. «Contrôle douanier», dit le plus jeune des deux. Il parle français avec un fort accent alémanique. «Nous faisons, moi et mon collègue, un contrôle de douane.» Il me demande de montrer mes papiers. Il y a de quoi tomber des nues! Dans son édition du 10 janvier, «La Liberté» avait publié un premier article indiquant que de tels contrôles sont illégaux. Je le leur explique. «Vos responsables vous ont-ils correctement informé que vous n'avez pas le droit d'opérer sur ce tronçon tant qu'un accord n'a pas été signé avec les autorités fribourgeoises?»Les deux douaniers semblent surpris. «Non», répond le plus jeune. «On nous a dit de ne pas remettre les personnes appréhendées au canton de Fribourg. De ne pas communiquer de signalements ou de dénonciations à la Police cantonale fribourgeoise.»En clair, ils doivent éviter tout contact avec les autorités fribourgeoises. Et s'ils tombent sur une personne recherchée? «On doit la signaler à la police de Berne.» Cela dit, les deux hommes affirment qu'ils peuvent contrôler n'importe qui et n'importe où en Suisse.
«On fait un contrôle de douane, pas de police», poursuit le jeune douanier. «On cherche les marchandises et on vérifie les papiers. Je vous demande votre carte d'identité, ensuite je vous demande de montrer votre sac parce que les contrôles douaniers sont possibles dans toute la Suisse depuis l'entrée en vigueur des accords de Schengen, le 12 décembre 2008.» Convention entre les cantons et les douaniers ou pas.Pour leur défense, les deux douaniers affirment qu'ils ne peuvent pas savoir s'ils se trouvent sur le territoire fribourgeois ou non. «Moi, je ne vois pas si on est encore dans le canton de Fribourg ou de Berne», lâche le jeune douanier. Son collègue, proche de la retraite, sourit, gêné par cette situation saugrenue.
La Suisse est petite. Elle se traverse très rapidementMichaela Rickenbacher
Un argument que développait aussi Michaela Rickenbacher dans «Le Temps», en affirmant que la Suisse est petite et qu'elle se traverse très rapidement. Alors que dire d'un direct Fribourg-Berne... Bref: on nage en plein flou artistique et le jeune douanier, pris d'un doute profond, finit par laisser tomber son contrôle.Mais avant de me quitter, l'agent tente une dernière justification. «Entre Fribourg et Berne, le train ne s'arrête pas dans une autre station», plaide-t-il. «Le temps pour le contrôle est très court.» Puis il lâche, presque menaçant: «Nous avons une autre possibilité, qui est d'attendre avec une équipe de 5 ou 6 personnes à la gare de Berne et de contrôler ainsi tout le monde à leur descente du train. Cette méthode est encore plus embêtante.»
A lire encore dans notre édition complète:
> INTERVIEW (Erwin Jutzet, conseiller d'Etat): «La douane fixe les règles»
> CORPS DES GARDES-FRONTIERES: «Des contrôles douaniers, mais aussi de police»
Dans «Le Temps» du 11 mai, Michaela Rickenbacher, cheffe d'état-major au commandement du corps des gardes-frontières, affirme qu'aucun contrôle douanier n'a jamais été effectué dans le canton de Fribourg. Faux. La douane suisse prend ses aises avec la vérité et la géographie. «La Liberté» a vécu le 19 mars dernier un contrôle sur territoire fribourgeois. Il a eu lieu dans l'Intercity à 23 h 09, soit cinq minutes après le départ du train de la gare de Fribourg. Récit.Je suis seul dans le compartiment. A peine le train a-t-il démarré, voilà des agents en tenue bleue qui s'approchent de moi. «Contrôle douanier», dit le plus jeune des deux. Il parle français avec un fort accent alémanique. «Nous faisons, moi et mon collègue, un contrôle de douane.» Il me demande de montrer mes papiers. Il y a de quoi tomber des nues! Dans son édition du 10 janvier, «La Liberté» avait publié un premier article indiquant que de tels contrôles sont illégaux. Je le leur explique. «Vos responsables vous ont-ils correctement informé que vous n'avez pas le droit d'opérer sur ce tronçon tant qu'un accord n'a pas été signé avec les autorités fribourgeoises?»Les deux douaniers semblent surpris. «Non», répond le plus jeune. «On nous a dit de ne pas remettre les personnes appréhendées au canton de Fribourg. De ne pas communiquer de signalements ou de dénonciations à la Police cantonale fribourgeoise.»En clair, ils doivent éviter tout contact avec les autorités fribourgeoises. Et s'ils tombent sur une personne recherchée? «On doit la signaler à la police de Berne.» Cela dit, les deux hommes affirment qu'ils peuvent contrôler n'importe qui et n'importe où en Suisse.
Montrer son sac
«On fait un contrôle de douane, pas de police», poursuit le jeune douanier. «On cherche les marchandises et on vérifie les papiers. Je vous demande votre carte d'identité, ensuite je vous demande de montrer votre sac parce que les contrôles douaniers sont possibles dans toute la Suisse depuis l'entrée en vigueur des accords de Schengen, le 12 décembre 2008.» Convention entre les cantons et les douaniers ou pas.Pour leur défense, les deux douaniers affirment qu'ils ne peuvent pas savoir s'ils se trouvent sur le territoire fribourgeois ou non. «Moi, je ne vois pas si on est encore dans le canton de Fribourg ou de Berne», lâche le jeune douanier. Son collègue, proche de la retraite, sourit, gêné par cette situation saugrenue.
La Suisse est petite. Elle se traverse très rapidementMichaela Rickenbacher
Un argument que développait aussi Michaela Rickenbacher dans «Le Temps», en affirmant que la Suisse est petite et qu'elle se traverse très rapidement. Alors que dire d'un direct Fribourg-Berne... Bref: on nage en plein flou artistique et le jeune douanier, pris d'un doute profond, finit par laisser tomber son contrôle.Mais avant de me quitter, l'agent tente une dernière justification. «Entre Fribourg et Berne, le train ne s'arrête pas dans une autre station», plaide-t-il. «Le temps pour le contrôle est très court.» Puis il lâche, presque menaçant: «Nous avons une autre possibilité, qui est d'attendre avec une équipe de 5 ou 6 personnes à la gare de Berne et de contrôler ainsi tout le monde à leur descente du train. Cette méthode est encore plus embêtante.»
A lire encore dans notre édition complète:
> INTERVIEW (Erwin Jutzet, conseiller d'Etat): «La douane fixe les règles»
> CORPS DES GARDES-FRONTIERES: «Des contrôles douaniers, mais aussi de police»