vendredi 20 avril 2007

EN CAS DE PANDÉMIE DE GRIPPE, LES ENTREPRISES GENEVOISES ONT DÉJÀ TOUT PRÉVU

EN CAS DE PANDÉMIE DE GRIPPE, LES ENTREPRISES GENEVOISES ONT DÉJÀ TOUT PRÉVU
Par Christian Lecomte (Le Temps.ch)
17 février 2007

Genève -- Pour l'OMS et l'Office fédéral de la santé publique, une pandémie de grippe frappera le monde un jour ou l'autre. Les entreprises genevoises n'ont pas attendu pour organiser la riposte. La plupart ont déjà adopté des mesures préventives.

Marc Zuffa, le patron du dispositif OSIRIS (intervention dans les situations exceptionnelles) de la police cantonale de Genève, le reconnaît lui-même: «Le monde genevois de l'entreprise est très avancé en matière de moyens mis en place pour lutter contre une pandémie de grippe. Il va même parfois plus vite que nous.» Si la grippe aviaire version humaine venait à enrhumer la planète entière (passage de la phase 3 actuelle à la phase 4 selon l'OMS), les dégâts seraient comparables à plusieurs 11 septembre, assurent les places financières. A Genève, on a décidé de faire front en arrêtant de véritables plans de bataille.

On ne passera plus l'aspirateur
Illustration à la banque Lombard Odier Darier Hentsch (LODH), qui selon Alexandre Agad, le responsable de la logistique, «s'est lancée là-dedans à fond dès la fin 2005 tant le risque semblait réel». LODH (mille employés à Genève) a d'ores et déjà identifié trois catégories de personnels: celui qui n'a pas besoin de venir à la banque, celui qui peut travailler à la maison, celui qui doit venir à la banque.

«Les gérants de fortune par exemple peuvent travailler à domicile, il est prévu de les équiper en service internet amélioré leur permettant de continuer d'acheter et de vendre des positions, explique Alexandre Agad. On peut craindre une brèche dans la confidentialité, mais cette solution de télétravail que nous testons régulièrement est complètement sécurisée. Ces gérants ne pourront pas conserver la moindre donnée à la maison.»

Les collaborateurs devant se rendre à la banque travailleront dans des espaces séparés et cloisonnés. La fréquence des réunions sera réduite au minimum. «On ne passera même plus l'aspirateur le soir car les personnels de ménage ne viendront plus, mais on demandera à nos collaborateurs de vider les poubelles», précise même Alexandre Agad. D'autres personnels ont été répertoriés, comme les mères de famille et les familles monoparentales «amenées à s'absenter car les écoles seront fermées».

Confidentiel
LODH a par ailleurs stocké masques, désinfectants, lunettes de protection, mais n'a pas investi dans le médicament Tamiflu, préférant miser sur le vaccin prépandémique dont la Suisse s'est dotée à hauteur de 8 millions de doses. «Mais de telles mesures ne sont valables que si nos partenaires et concurrents sont informés et agissent dans le même sens», souligne Alexandre Agad. En février 2006, un séminaire a réuni soixante banques genevoises «afin de partager les expériences». Un document extranet, qui demeure confidentiel, a été publié à l'issue de la rencontre.

À la Fédération des entreprises romandes (FER), organe faîtier de six associations patronales, on insiste sur le fait que la mise en place de tels moyens est en conformité avec les textes et qu'elle entre dans un plan pandémie intégrant la direction de la santé, les services de police, la communication, la Genève internationale et le secteur économique. La FER (300 employés) vient d'acquérir 45000 masques, de quoi tenir cinq semaines en cas de pandémie, «car il faut changer de masque toutes les quatre heures».

Chez Givaudan (parfums), on est allé jusqu'à envoyer en octobre dernier des collaborateurs tester en Indonésie un plan de lutte contre la grippe aviaire et visiter des hôpitaux dédiés à cette maladie. Chez Rolex, on ne dit rien, tout en assurant que le nécessaire a été fait. Frank Renggli, de Pictet, annonce que la banque s'est dotée d'un comité de crise et qu'elle a élaboré un catalogue de procédures et de scénarios «pour assurer la bonne marche de l'entreprise ainsi que la pérennité des biens des clients».

Fermeture des frontières
«Depuis le 11 septembre 2001, les entreprises ont compris que leur seule vraie richesse était la santé des employés, confie Jean-Claude Canavese, médecin consultant auprès de plusieurs multinationales. Il y a donc la nécessité de les protéger tout en garantissant l'indispensable continuité du fonctionnement des entreprises en période de crise. Il faut faire en sorte de tenir deux à trois semaines, le temps de laisser passer le gros de l'orage.»

L'Office cantonal de l'inspection et des relations du travail (OCIRT) a ouvert sur son site internet une page où figurent une «check-list» qui décline les plans de mesure dans l'entreprise en cas de pandémie d'influenza, et un catalogue de questions et réponses du type: «Quel est le droit au salaire en cas de recommandations générales de rester à la maison ou si l'employé reste à la maison par peur? En situation d'épidémie déclarée, l'entreprise est-elle habilitée à limiter les échanges entre les collaborateurs? Peut-elle demander à certains de rester à la maison et à d'autres de se rendre sur leur lieu de travail? Peut-elle instaurer un volontariat?» Autre interrogation récurrente: en cas de fermeture des frontières, qu'adviendra-t-il des entreprises, sociétés, institutions internationales, hôpitaux et cliniques dont des employés résident en France? Selon Marc Zuppa, Berne et Paris étudieraient en ce moment les modalités pour laisser les frontières ouvertes. «On planifie tout pour être prêt, que cela arrive dans une année ou dans 50 ans», assure le policier. De son côté, Philippe Sudre, le médecin cantonal, rappelle qu'il n'y a pas plus d'angoisse ou d'inquiétude aujourd'hui qu'il y a une année «mais qu'il ne faut pas lever le pied».

Le set de survie de UBS
Les collaborateurs de la banque vont recevoir un nécessaire d'urgence.
Dès le début de mars, les quelque 26000 collaborateurs et collaboratrices de UBS en Suisse vont recevoir un «set de pandémie». Le contenu de ce paquet de survie: 50 masques de protection, du désinfectant, un thermomètre, et non pas du Tamiflu mais des Panadol. La banque ne veut pas indiquer les coûts de cette mesure, mais «il ne faut pas les surévaluer», a indiqué son porte-parole au quotidien bâlois gratuit Baslerstab. Des séances d'information sur les moyens de minimiser les risques d'infection si le virus venait à muter sont aussi organisées pour les employés.

Pourquoi UBS agit-elle maintenant? «Nous devons être préparés. Cela fait partie d'une gestion des risques professionnelle», indique le porte-parole. Anne Witschi, médecin cantonal de Bâle-Ville, salue la démarche: «Plus on s'y prend tôt, mieux ça vaut.» D'autres sont sceptiques: pour le médecin de la ville de Zurich, Albert Wettstein, il s'agit d'une solution de luxe. Migros aussi se prépare, et stocke des masques, mais ils ne seront pas distribués pour le moment.

Banque de données mondiale à Genève
Une banque de données mondiale sur le virus de la grippe aviaire se constitue à Genève. Elle sera opérationnelle dès le mois de mars au Swiss Institute of Bioinformatics (SIB), selon la revue Science et Le Figaro. Cette création émane de l'Initiative mondiale pour le partage des données sur la grippe aviaire, qui avait critiqué en 2006 l'accès trop limité au site du laboratoire américain de Los Alamos (Nouveau Mexique) où se partagent jusqu'à présent les données les plus importantes sur le virus.


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