mercredi 14 mars 2007

Le miscanthus, combustible biomasse prometteur

Le miscanthus, combustible biomasse prometteur





Nom : miscanthus giganteus. Origine : Asie. Particularité : culture énergétique idéale pour la production de chaleur et d’électricité. En France, cette plante vivace vient pour la première fois de passer du stade expérimental à la production commerciale. La société britannique Bical vient de réaliser sa première récolte, en association avec des agriculteurs bretons.
Biomasse combustible, litière pour animaux, panneaux de particule, éthanol, éco-construction… Les débouchés du miscanthus giganteus sont multiples. Cette plante, également appelée "herbe à éléphant", pourrait jouer un rôle majeur dans le développement de la biomasse énergétique. En France, la toute première récolte, destinée au marché industriel, a eu lieu en Bretagne, au printemps dernier. 500 tonnes de ce simili-bambou ont été coupées par une ensileuse, sur une surface de 40 hectares. Un rendement de 12, 5 t/ ha, qui peut atteindre plus de 20t/ha selon la maturité de la plante et les conditions climatiques.

La plantation a été réalisée en 2004 par Bical France, filiale de Biomass Industrial Crops Ltd (Bical), qui produit déjà 400 000 t/an au Royaume-Uni. Cette société, fondée par des agriculteurs britanniques en 1998, est le premier fournisseur européen de miscanthus (sur une petite dizaine d’entreprises). Elle a dégagé un chiffre d’affaires de 6 millions d’euros en 2005. Pour s’implanter en France, Bical s’est associée à des agriculteurs locaux, à Bannalec, dans le Finistère, puis à Voves, en Eure-et-Loir. "Nous fonctionnons selon un système coopératif. Tous les exploitants associés possèdent une part du capital de Bical France. Nous souhaitons leur permettre d’obtenir un revenu régulier et décent," explique Emmanuel de Maupeou, directeur général.

Un pouvoir calorifique étonnant

La totalité de la production a été achetée par le groupe Lafarge Ciments, séduit par l’étonnant pouvoir calorifique du miscanthus, plus élevé que la plaquette de bois. Son PCI (pouvoir calorifique inférieur) est en effet d’environ 4700 kWh/t, contre 3300 pour la plaquette, ce qui le rend très rentable, selon Bical.
Créé en Asie à partir des miscanthus sinensis et sacchariflorus, cette graminée hybride peut remplacer jusqu’à 50% du charbon dans une centrale électrique ou une chaudière industrielle, sans modification technique. Il peut aussi se substituer au bois-énergie des chaudières et poêles individuels. Lors de sa combustion, il émet moins de dioxyde de carbone (CO2) qu’il n’a emmagasiné, car une partie de ce dernier est stocké dans ses rhizomes, des tiges souterraines capables d’engendrer de nouvelles pousses. Un bon point pour les industriels qui veulent préserver leur capital de crédits carbone.

Jusqu’à l’arrivée de Bical en France, le miscanthus n’était cultivé que dans le cadre d’expériences scientifiques, alors qu’il a atteint le stade commercial en Grande-Bretagne et dans plusieurs pays européens. L’Institut national de la recherche agronomique (Inra) a procédé à des essais en plein champ, et étudié, avec la société Kalys, à Roubaix, les moyens de réduire le coût de production des pieds de miscanthus. Conclusion : la culture in vitro, le bouturage et la plantation en terre sont compatibles avec les objectifs d’économie agricole.

"Aucune maladie ni ravageurs connus"

La plantation de l’herbe à éléphant nécessite cependant des moyens financiers et humains importants, car elle n’est pas mécanisable. Les plants doivent être mis en terre à la main, dans un sol aéré et creusé de sillons. La première année, l’élimination des adventices (les mauvaises herbes) est nécessaire pour permettre au miscanthus de bien prendre racine et grâce à ses rhizomes produira de nouvelles tiges aériennes au cours des années suivantes. Le désherbage peut être assuré mécaniquement, au moyen d’une herse, ou chimiquement. Bical a choisi cette dernière solution. "Nous utilisons un désherbant homologué uniquement la première année, car à partir de la deuxième année, les feuilles se dessèchent au début de l’hiver et tombent sur le sol, constituant un nutriment naturel et empêchant l’apparition des adventices, précise le directeur général. Nous n’utilisons pas non plus de fongicide ni d’insecticide, puisqu’il n’existe aucune maladie ni ravageurs connus, à part les blaireaux."

L’herbe à éléphant abrite d’ailleurs de nombreux animaux, dont la nidification n’est pas perturbée par la moisson, réalisée en mars, sur un sol sec ou encore gelé, pendant le début du nouveau cycle de pousse. Culture pérenne, le miscanthus repousse naturellement, et peut être exploité sur une période de 5 à 18 ans. Il peut atteindre une hauteur de 4 mètres. Et comme il est stérile, le risque de dissémination est nul.

Reconversion de terrains pollués en Ile-de-France

Plusieurs études ont mis en évidence sa capacité à croître en terrains agricoles ou industriels pollués. Dès 1992, deux chercheurs japonais démontraient sa grande tolérance face à de fortes proportions de métaux lourds dans le sol, et son faible taux d’accumulation de cadmium dans ses feuilles (1,75 mg/kg).
Des résultats confirmés en France par les études de l’Inra, qui participe à la reconversion des anciens champs d’épandage de l’agglomération parisienne vers des filières agricoles. L’opération de 750 000€ implique le conseil régional d’Ile-de-France, et doit durer cinq ans, de 2006 à 2011. Le miscanthus sera testé au même titre que d’autres végétaux (seigle, taillis à rotation rapide…). Objectif : "retrouver, en cinq ans, sur ce secteur pollué, un nouveau système d'activités agricoles durables, axées sur des productions à des fins non alimentaires," indique un rapport de la Région de mai 2006.

Même si les qualités du miscanthus sont reconnues, le coût de sa mise en œuvre, la concurrence des autres énergies renouvelables et la difficulté de convaincre les agriculteurs sont autant de freins à son développement. Mais pour Emmanuel de Maupeou, la principale barrière est "psychologique". "Un certain nombre d’environnementalistes réprouvent l’arrivée d’une plante non-indigène, mais ils oublient que c’est aussi le cas du maïs ou de la pomme de terre."


Raphaël Baldos
Mis en ligne le : 10/08/2006

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